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15/03/2024

En Sicile, « les poules heureuses » produisent des oranges

Reportage : Jean-François Bourblanc


Dans la région de Catane, des agricultrices et agriculteurs se sont regroupés dans la coopérative (1) « Le Galline Felici » , « les poules heureuses» en français, pour produire et commercialiser des oranges, mais pas seulement. Ils distribuent les produits, tous bio, sur plusieurs pays d'Europe. Arnaud Jaubert, salarié du groupement explique.


Arnaud Jaubert salarié du Consortium vit en Sicile depuis une quinzaine d'années.
Arnaud Jaubert salarié du Consortium vit en Sicile depuis une quinzaine d'années.
en_sicile.mp3 En Sicile.mp3  (12.15 Mo)

Oranges, clémentines, pamplemousses, citrons, raisins blanc, figues de barbarie, avocats, concombres, aubergines, courgettes, gingembre... parmi les produits frais, mais aussi des produits en conserve, fruits secs (amandes, pistaches, noisettes...), huile d'olive, céréales, miel, chocolat et touron. Au total, Le Galline Felici, commercialise en direct environ 350 produits divers, selon les saisons. Toutes les productions sont bio, certifiées par un organisme extérieur ou par la coopérative.

Les oranges sont calibrées par la machine et triées à la main pour les défauts.
Les oranges sont calibrées par la machine et triées à la main pour les défauts.

Toutes les oranges vendues par les groupes

Les commandes peuvent être individuelles directement sur le site internet, mais surtout se faire par l'intermédiaire de groupements d'achats, en Italie, France, Belgique, Suisse, Allemagne, Autriche. Chaque semaine, de novembre à mars, des camions partent dans différentes directions.
« La vente a commencé en Italie du Nord, puis à Briançon, puis en Paca, Rhône-Alpes... par le bouche à oreille, raconte Arnaud. Ont suivi Lille et le nord de la France, la Belgique, le Sud de l'Allemagne. Il y a quelques groupes en Suisse. Toutes les oranges sont vendues par les groupes d'achats. Dix jours à l'avance, les commandes sont entrées sur le site. On a dix jours pour s'occuper de la récolte, du tri, et de l'expédition au jour de départ prévu. »
Arnaud désigne des palettes dans l'entrepôt :
« Ces palettes vont partir à Embrun (Hautes Alpes) ce jeudi (8 février). Embrun et Guillestre sont des vieux groupes très importants. Ils font un camion à tous les deux. Pour la région  Paca, il y a trois autres camions qui partiront vendredi. La semaine dernière en Bretagne, il y en a eu quatre. Un à Rennes, un pour la Vendée et Nantes, un pour le sud 35, un qui est allé jusqu'à Brest en passant par le sud Morbihan et sud Finistère. Un autre, pour les Côtes d'Armor et le sud Normandie. »
Quatre camions desservent le sud de la France :  Marseille Montpellier, Toulouse, Bordeaux. Jusqu'à Poitiers, « un grand groupe : il leur faut un camion ».
 

Les paysans adhérents du Consortium sont situés dans l'Est de la Sicile, non loin de Catane.
Les paysans adhérents du Consortium sont situés dans l'Est de la Sicile, non loin de Catane.

De septembre à juin

« Beppe (Guiseppe) est en charge de toutes les  campagnes. Il répartit le travail de trois ou quatre équipes de ramassage de cinq à sept  salariés saisonniers. en fonction des besoins, dans  les zones où il y a des producteurs. »
A l’entrepôt la saison commence en septembre et finit début juin. Le  tri sur la machine est important à partir de fin octobre et jusqu'à fin avril. D'autres salariés sont à temps plein.
« Guiseppe est associé et saisonnier, c'est l'un des fondateurs. L'été il travaille comme garde forestier, pour lutter contre les incendies. »
Chaque producteur livre ses produits à l'entrepôt. Les oranges sont calibrées par la machine et triées à la main pour les défauts. Les petites sont mises de côté et vendues à prix coûtant à ceux qui font des jus ou aux groupes qui les donnent à des associations humanitaires.

Deux catégories de producteurs

Le Galline Felici réunit deux catégories de producteurs : les associés à qui on prend les oranges en priorité. Ils n'ont pas l'obligation de donner toute leur production à la coopérative. Et les simples producteurs à qui l'on demande des fruits quand il y a besoin. Quelques-uns donnent toute leur production, car ils veulent devenir associés. Aujourd'hui,  la coopérative rassemble 50 associés, sur une moyenne de 5 ha, et autant de producteurs non associés, soit environ une centaine au total. Il y a 15 ans quand la coopérative est née, les créateurs étaient dix.
Entre les équipes de récoltes, celles à l'entrepôt, et nos administratifs, on doit être plus de 50 salariés », souligne Arnaud. Les transporteurs sont indépendants, mais certains travaillent exclusivement avec nous, pendant la saison. »
Le Galline Felici pèse beaucoup dans l'économie de la région..

Quand le consommateur paie 2€ le kg d'oranges, le producteur reçoit  1,18 à 1,10€ s'il assure la récolte ou pas. Le conditionnement à l'entrepôt et le transport coûtent 0,82€. Le prix au producteur est fixé pour l'année. Sur les marchés à Catane le Kg se vend entre 0,50€ et 1€
Quand le consommateur paie 2€ le kg d'oranges, le producteur reçoit 1,18 à 1,10€ s'il assure la récolte ou pas. Le conditionnement à l'entrepôt et le transport coûtent 0,82€. Le prix au producteur est fixé pour l'année. Sur les marchés à Catane le Kg se vend entre 0,50€ et 1€

Avec un objectif social

Le Galline Felici, attire les producteurs, car ils  paient bien les produits. Les groupes d'achats se multiplient aussi ou grossissent : les produits bio sont vendus à un prix correct. La coopérative risque-t-elle de trop grossir ?  « C'est un problème, mais c'est compliqué. On cherche des solutions. »

En même temps qu'une exigence économique, la coopérative vise un objectif social : elle réserve de l'argent  géré en interne. Par exemple, si un adhérent explique : "Je vais perdre toute ma production, est-ce que vous pouvez m'aider ?"  Sur demande, des aides sont ainsi débloquées ponctuellement. Un projet de Fonds « Galline sociale » est en réflexion pour de tels projets.

Cathy, l'une des salariées, gère les aspects sociaux,  Pour sponsoriser, par exemple, l'équipe de rugby d'un quartier populaire. 
« Ce club s'est monté dans un quartier de Catane. C'est plus qu'un club de rugby. Il y a un aspect social avec les gamins, il y a une bibliothèque, un accompagnement des devoirs. C'est un grand club de quartier,  il a toujours été au niveau national »
Jean-François Bourblanc

(1) le Consortium sicilien  Le Galline Felici  « Les Poules Heureuses », est une forme de coopérative. Arnaud  raconte les origines : « Ce nom singulier de Galline Felici symbolise notre libération du marché inhumain ». C'est une forme de coopérative de producteurs. A la différence des coopératives agricoles françaises, l'apport exclusif de toute une production n'est pas obligatoire.

Pour en savoir plus :
Voir le site des Galline Felici , en français.

Contact pour l'accueil des visiteurs : Céline, Galline Felici
 
Michele Russo produit des cactus et de la bio-diversité

Michele Russo : «sur 10 mètres carrés on trouve 50 ou 60 plantes différentes».
Michele Russo : «sur 10 mètres carrés on trouve 50 ou 60 plantes différentes».

Dans la campagne de Calta Girone, non loin de Catane, (Sicile) Michele Russo produit des figues de barbarie pour améliorer le sol de son exploitation. Ces cactus favorisent la biodiversité, la culture de nombreuses plantes et arbres comme les chênes liège. Associé et salarié de la coopérative Le Galline Felici, agronome, paysan et chercheur, il témoigne. Lire la suite

michele_russo,_paysan_et_chercheur_b.pdf Michele Russo, paysan et chercheur B.pdf  (906.84 Ko)
michele.mp3 Michele.mp3  (11.12 Mo)


En Sicile, « les poules heureuses » produisent des oranges
 
« Rennes des oranges » achète des agrumes en circuit court
Une étape, à titre d'exemple, dans le circuit européen des Galline Felici. Chaque mois pendant la saison de production, des agrumes frais arrivant de Sicile sont livrés à Rennes pour les 200 adhérents de l'association "Rennes des oranges".

Quand le camion arrive aux Jardins du Breil entre vingt et trente membres du groupement d'achat Rennes des oranges aide les deux chauffeurs à décharger les palettes d'agrumes. Le nombre varie entre 6  et 9 palettes d'un mois à l'autre : une demi tonne par palette. Puis des chaînes se mettent en place pour répartir les produits de chaque groupe : chaque livraison varie selon les commandes des adhérents : oranges, pamplemousses, citrons, clémentines mais aussi parfois des amandes...
 
Trop vite grandie.
 
En 2024, l'association Rennes des oranges compte 200 ménages adhérents (une personne et plus) : c'est la sixième saison ! Pascale Barbolosi, la présidente, raconte ses premiers contacts dès 2014 avec une amie parisienne qui achète des oranges en Sicile, grâce à l'association Corto. En 2016, dans des conditions de transport compliquées, la première livraison d'une demi-tonne fut stockée dans deux garages à Rennes. Très vite (2018), apparaît la nécessité de créer une association, pour des raisons juridiques et pour « sécuriser les mouvements d'argent ». Au départ, c'est avec des amis de l'entreprise Orange, mais  l'association est  ouverte à tous. Elle  grandit très (trop?) vite jusqu'à plus de 300 adhérents. La solution :  deux nouvelles  associations sont créées GM les agrumes à Guipry-Messac et Gallorange à Chasné-sur-Illet et Saint-Aubin d’Aubigné. Aujourd'hui, le groupement d'achat est structuré en dix groupes (de 9 à 44 adhérents) constitués au départ par quartier : Landry, Patton, Blaise Pascal, mais aussi Orange mécanique, BullesO, OBS Cesson, Château, Jardins, Cancale et Gabier Noir.

Surtout des agrumes
 
L'organisation est très légère et bien rodée : un conseil d'administration composé de la présidente, du trésorier et de quelques membres actifs (qui s'engagent pour un an) se réunit chaque mois pendant la saison de novembre à avril : « Il définit la liste des  produits de la prochaine commande ». Chaque adhérent passe sa commande sur internet dès l'invitation du ou de  la responsable de son groupe. Pascale précise : « Les chefs de groupe ont un rôle important dans le fonctionnement de l'association ». Marion Galès, responsable du groupe Landry (une vingtaine d'adhérents) explique combien le travail s'est simplifié avec les années. Le formulaire de commande varie d'un mois sur l'autre selon les produits proposés : « Nous privilégions les références que l'on ne produit pas ici, surtout des agrumes : c'est un peu absurde de faire venir des produits cultivés en local». Marion envoie le formulaire de commande aux membres de son groupe et demande une réaction rapide « J'ai les réponses le jour même ou le lendemain ». Elle les transmet alors à Marc Patureaux qui consolide les commandes des dix groupes. Le règlement est sollicité peu après la livraison « pour éviter que les chefs de groupe fassent l'avance ».  

Chacun vient chercher sa commande
 
Marion estime à trois heures par mois ses tâches pour l'association. Le mois où son groupe assure la réception des agrumes ce peut être davantage : le mardi 2 avril dernier, elle a dû prendre une matinée de congé. Quand le camion arrive un dimanche, c'est plus simple. Chaque adhérent, en plus de sa cotisation (5€), s'engage à venir chercher sa commande (il n'y a pas de livraison à domicile ! ) et à participer une fois l'an à la réception du camion. Il faut être assez nombreux pour que ce ne soit pas une corvée. «Tu commandes sans payer pour une consommation personnelle et tu viens récupérer ta commande». Il n'y a pas d'adhérents fantômes : pour acheter des agrumes, il faut être membre. « L'association ne prend aucune marge » (1). Une préoccupation : comment manifester notre solidarité ? « On a fait un don aux Restos du cœur, mais il y a plein de choses à inventer ». Peu d'habitants de quartiers populaires adhèrent à l'association et  donc peu de mélange de catégories sociales. « Pourquoi pas un partenariat avec l'association Vrac  déjà entamé en 2021 et 2022 ? »   s'interroge Pascale.

Un cours de cuisine.
 
Parmi les objectifs : « Mieux manger ici »« faciliter la vie de la coopérative en Sicile » et « développer la convivialité » . Mais, une fois par mois, décharger le camion ne permet pas beaucoup d'échanges. Bien sûr, l'assemblée générale annuelle  constitue une occasion de rencontre. En juin 2023, la venue d'un groupe des Galline Felici au cours d'une journée a permis une rencontre avec les adhérents qui le souhaitaient. Le 14 mars dernier, Rennes des oranges a organisé un cours de cuisine pour une quinzaine d'adhérents « des gens très différents ». Cet atelier a favorisé une meilleure connaissance entre participants en passant un bon moment ensemble. C'est l'une des nouvelles initiatives pour créer davantage de liens entre adhérents. Pascale et Marion s'interrogent : « Pourquoi pas un atelier cuisine entre nous autour de recettes de chacun ? Ça pourrait aussi commencer par un partage de recettes ».

(1) Les prix des produits, tous bio, sont plutôt bas. En avril 2024, le kilo d'oranges bio à jus, Tarocco, a coûté 2,06€. Elles sont vendues par cageot de 12kg (24,69€) . Le prix peut varier de quelques centimes chaque mois.

Rennes des oranges a adopté une charte de qualité.
Pour contacter Rennes des oranges

Voir aussi sur Histoires ordinaires
Vrac, un groupement d'achats solidaires
Une vidéo sur la Sécurité sociale de l'alimentation
 
rennes_des_oranges_charte.pdf rennes-des-oranges-charte.pdf  (48.75 Ko)
rennes_oranges.mp3 Rennes Oranges.mp3  (12.3 Mo)


De Catane à Rennes, les deux chauffeurs se relaient sur environ 2000km pour livrer les oranges. Le camion est parti le jeudi 22 février de Catane. Il prend le bateau de Palerme à Gènes. De Gènes, il roule vers St Nicolas de Redon : arrivée le dimanche matin à 8h, puis Guipry. Dimanche 25 février vers 11h à Rennes (Breizhicoop puis Le Grand Breil). A midi il repart vers Lannilis , arrivée vers 15h50. Puis le camion repart en Sicile. Dès réception, les membres de l'associations répartissent le chargement pour chaque groupe.
De Catane à Rennes, les deux chauffeurs se relaient sur environ 2000km pour livrer les oranges. Le camion est parti le jeudi 22 février de Catane. Il prend le bateau de Palerme à Gènes. De Gènes, il roule vers St Nicolas de Redon : arrivée le dimanche matin à 8h, puis Guipry. Dimanche 25 février vers 11h à Rennes (Breizhicoop puis Le Grand Breil). A midi il repart vers Lannilis , arrivée vers 15h50. Puis le camion repart en Sicile. Dès réception, les membres de l'associations répartissent le chargement pour chaque groupe.






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